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Investir dans l’humain, une utopie ?

par elodie | Jan 16, 2015 | Pédagogie | 0 commentaires

Je n’écrirai probablement rien de « nouveau » ce soir, rien que je pense que vous ne sachiez déjà si vous me lisez depuis un moment. Et en même temps je ressens le besoin de mettre en mots ce qui se passe à l’intérieur.

Je ne sais pas exactement comment je pourrais qualifier ce que je ressens à l’heure où j’écris ces lignes…
Triste ? En colère ? Utopiste ? Motivée ? Dépitée ? « Espéreuse » ?
Sans doute un peu de tout cela.

Faire évoluer le système… utopique ?

Pendant des années, j’ai observé le système social de l’intérieur. Et j’ai vu à la fois ses richesses, sa beauté, ses bonheurs. Ainsi que ses failles, ses incohérences, ses méconnaissances, ses incompétences.
Constatant que je ne pouvais pas y faire grand-chose de l’intérieur malgré un certain nombre de tentatives (souvent vaines auprès de la plupart de mes collègues, et parfois fructueuses auprès des jeunes), j’ai choisi d’aller former les étudiants, afin de semer des graines autrement, à la source du métier même d’éducateur.
Comme pour chaque expérience, avec des essais, des erreurs, des satisfactions, des choses à ajuster. Mais je chemine, avec plaisir sur cette voie.

Et là aussi, j’ai l’impression de voir un chantier. Un énorme chantier érigé depuis des années. Mais dont certaines fondations me semblent fragiles et qu’il faudrait repenser si l’on souhaite voir les choses évoluer un jour.

Je n’ai certainement pas la prétention de dire que j’ai raison ou que je sais mieux que mes collègues ce qu’il « faut » faire ou pas.
Il y a tellement de choses pour lesquelles je n’étais pas tellement compétente sur le terrain… la paperasse, l’organisation, les activités, les rendez-vous officiels, la gestion des budgets, etc. Mais s’il est bien une chose pour laquelle je me sentais à ma place, c’était dans la relation avec les jeunes. Et pour ceux qui me connaissent, je ne suis pas du genre à assumer ma légitimité ni à revendiquer mes compétences.

Et si les actes du quotidien et la gestion administrative des dossiers me semblent importants, j’accorde encore bien plus d’importance à la relation que je vais entretenir avec les jeunes que je vais suivre.
bienveillanceRemettre la relation humaine au coeur de la formation

Alors quand j’entends les étudiants parler de la « distance éducative », de la « relation de confiance », de la « sanction éducative », du « cadre », du « front commun » entre professionnels… comme s’ils parlaient d’une notion abstraite et sans y mettre un autre sens que la théorie qu’on leur a transmise…

Quand j’observe des étudiants de première année réceptifs, ouverts, frais, essayant de comprendre les pratiques des professionnels qu’ils observent en stage, remettre en question ce qui leur semble curieux ou qu’ils ne comprennent pas… et certains étudiants de 3è année pensant savoir, pensant agir comme il faut, se posant toujours des questions intéressantes, mais parfois dans une posture qu’on leur a apprise : celle du sachant face à celui qui ne sait pas…

Et bien je me dis que là aussi, il y a des failles, des trous, des méconnaissances, des lacunes…

Car oui, les concepts cités un peu plus haut sont, je pense, inhérentes à l’accompagnement humain, indispensables au travail social. Mais elles ne sont pas des théories. Elles ne s’apprennent pas dans des livres ni dans des salles d’amphi à copier ce que dit le formateur puis à tenter de les appliquer sur le terrain jusqu’à s’y perdre car finalement, entre la théorie et la pratique, il y a plusieurs univers.

Tout cela s’apprend à travers une conscience et une connaissance de soi. A travers l’expérimentation avec l’autre – d’abord en formation puis sur le terrain, supervisé par des professionnels expérimentés.

Tête, coeur & corpsPour apprendre, j’ai besoin d’associer ma tête, mon cœur et mon corps.
J’ai besoin des mêmes parties de moi pour travailler sur le terrain !
Je suis un tout, un ensemble de tout ça… et j’accompagne l’autre avec l’entièreté de ce qu’il est.
Et comment faire si je n’ai pas appris ?
Idéalement, je ne devrais pas à avoir à l’apprendre en formation… en effet… mais au fil de mes années d’apprentissage de la vie. Il se trouve que notre société ne nous le permet pas. Pas encore du moins. Soyons optimistes 🙂

Pourtant, malgré notre mission d’accompagner l’humain (doté d’une capacité à penser, à ressentir et à agir), on nous apprend à ne penser qu’avec notre tête. Pas question de ressentir, par question d’être trop proche, pas question de s’investir. Il nous faut rester professionnels, comprenez-vous !
On nous apprend à accompagner l’autre en l’analysant (et quand on sait comment le mental peut nous duper…) avec notre tête, à travers ce que nous voulons/pouvons voir de lui, à travers ce que nous avons appris à percevoir, à travers le filtre qui est le notre associé aux filtres de notre système. Nous sommes bien loin d’être en lien avec l’autre, dans sa globalité.
Alors oui, je pense qu’en étant inexpérimenté et en ayant une faible conscience de soi et de ce qui se joue dans les relations, se protéger en mettant une barrière entre soi et l’autre est préférable afin de ne pas tomber dans des pièges relationnels que nous ne maîtrisons pas… pour finalement faire pire que mieux.
Nous protéger pour, petit à petit, laisser tomber les barrières parce que nous aurons acquis l’expérience nécessaire pour trouver la juste distance relationnelle, pour accueillir l’autre tel qu’il est en acceptant là où il en est, pour avoir confiance en ses ressources, etc. Est-ce que l’on parle de ça en formation ?

Et justement… ne devrions-nous pas être formés, en tant qu’éducateur, à la relation ?
Ne devrions-nous pas être préparés à ce qui se passera, réellement, sur le terrain et non pas uniquement à ce que la théorie veut nous transmettre comme message ? A comprendre quelles sont nos ressources, et quels sont les parties de nous qui méritent d’être pansées (ou au moins reconnues comme fragiles) pour repérer notre responsabilité dans la relation ?
Ne devrions-nous pas aller faire un tour du côté de nos croyances, de nos méconnaissances ?
Ne devrions-nous pas expérimenter, expérimenter, expérimenter encore et encore dans les temps de formation (au lieu de gratter et d’écouter des théories, sans doute très intéressantes, mais qui resteront pour la plupart des mots dans des cahiers) ?

impliquemoiNe devrions-nous pas apprendre à développer notre confiance en nous-même, notre authenticité, notre congruence… afin d’être plus facilement enclins à avoir confiance en l’autre (la relation de confiance fait l’objet d’un article en cours de rédaction à ce jour) et à l’accompagner à développer les mêmes compétences personnelles ?

C’est ce que j’ai à coeur de proposer dans les formations que j’anime auprès des étudiants. J’essaie, pour le moment, car je prends mes marques et les formations sont courtes. Et je constate comme cela semble impacter certains étudiants. Combien certains d’entre eux sont réceptifs à cette autre manière de faire… apprendre à repérer ses limites… apprendre à s’adapter… apprendre à se positionner… apprendre à être et non pas uniquement à savoir et/ou à faire.

Répression ou prévention ?

Si je vous parle de tout cela aujourd’hui, ce n’est pas sans rapport avec les événements tragiques qui ont eu lieu la semaine passée et sur lesquels je ne m’étendrai pas.
Les frères Kouachi, tout comme d’autres enfants en souffrance, sont passé par l’ASE. Ils ne sont pas les seuls. Et des jeunes en souffrance, qui ont besoin de professionnels pouvant à la fois répondre à leurs besoins de structure et d’attachement, se comptent par milliers.

Des moyens financiers et matériels vont sans doute être déployés dans les semaines ou les mois à venir pour tenter de faire face au terrorisme, à la délinquance, à la violence. Malheureusement, je pense qu’à l’heure actuelle, la répression est nécessaire.

Mais elle ne doit pas être privilégiée face à la prévention.

La prévention, c’est enfin donner plus de moyens au secteur social. Mais pas que. Car qui dit plus de moyens n’implique pas nécessairement une meilleure utilisation.
La prévention ce serait repenser le fond des formations des travailleurs sociaux et remettre l’humain au cœur de la relation et de la formation.
J’ai peut-être une mauvaise interprétation des choses, mais il me semble qu’au-delà des apparences, et des intentions sans doute bonnes, on en est loin.

Parler d’humanité

J’aimerai qu’on arrête de parler d’usagers de manière impersonnelle, de projets à n’en plus finir, de contrats (qui n’en sont pas car ils sont souvent unilatéraux… ce ne sont par définition pas des contrats), de distance, de concepts…
J’aimerai que l’on se reconnecte à notre humanité et à celle des personnes que l’on accompagne.

Cela ne se fait pas du jour au lendemain, évidemment. En ce qui me concerne, il m’a fallu presque 10 ans pour trouver mon identité propre d’éducatrice et de professionnelle, et autant d’années quasiment de formations complémentaires, de supervisions à titre personnel et de réflexion sur moi-même.

Je ne suis pas en train de dire que chacun devrait suivre ce parcours. Il est celui que j’ai choisi, chacun aura le sien. Et je ne pense pas que tout le monde doive suivre des formations complémentaires même si je trouve important de remettre en question sa pratique régulièrement, et d’approfondir ses compétences.

Je pense néanmoins qu’il serait temps de donner davantage de moyens à ces métiers qui sont vraiment très importants dans notre société et qui mériteraient d’être davantage considérés.

Et, encore une fois, de repenser à une partie de leur contenu pour apprendre aux professionnels à travailler avec chaque partie de leur être et leur donner ainsi les moyens d’accompagner les personnes qui en auront besoin au plus près de qui ils sont.

J’espère profondément que les politiques sauront ouvrir les yeux sur ce sujet et qu’ils choisiront d’investir dans l’humain et dans l’éducation plutôt que de n’opter uniquement pour la répression qui ne ferait que colmater un problème que la société a elle-même causé et qui ne risque pas de s’atténuer si l’on ne prend pas les mesures adéquates pour faire changer les choses.

Le mot de la fin :

Source photo : http://alternativemontessori.blogspot.fr/2013/05/citation-maria-montessori.html

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